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Histoire philosophique

douleur : Une fable ? quoi ! il n’y a donc que le mal qu’on dit de l’homme qui ſoit vrai ? il n’y a que ſa misère & ſa méchanceté qui ne puiſſent être conteſtées. Cet être, né pour la vertu, dont il s’efforceroit inutilement d’étouffer le germe qu’il en a reçu, qu’il ne bleſſe jamais ſans remords, & qu’il eſt forcé de reſpecter lors même qu’elle l’afflige ou l’humilie, eſt donc méchant par-tout. Cet être qui ſoupire ſans ceſſe après le bonheur, la baſe de ſes vrais devoirs & de ſa félicité, eſt donc malheureux par-tout. Par-tout il gémit ſous des maîtres impitoyables. Par-tout il tourmente ſes égaux, & il en eſt tourmenté. Par-tout l’éducation le corrompt, & le préjugé l’empoiſonne en naiſſant. Partout il eſt livré à l’ambition, à l’amour de la gloire, à la paſſion de l’or, aux mêmes bourreaux qui ſe relaient pour nous déchirer ; nous, leurs triſtes victimes, qu’elles n’abandonnent qu’au bord du tombeau. Quoi ! le crime s’eſt emparé de toute la terre. Ah ! laiſſez du moins à l’Innocence cette étroite enceinte ſur laquelle vous avez attaché nos regards ; & que notre imagination, franchiſſant l’intervalle immenſe qui nous en sépare, ſe plaiſoit à parcourir.