ſpetacle horrible qu’offrit le Bengale pendant ſix ſemaines.
Durant tout ce tems, le Gange fut couvert de cadavres ; les campagnes & les chemins en furent jonchés ; des exhalations infectes remplirent l’air ; les maladies ſe multiplièrent. Peu s’en fallut qu’un fléau ſuccédant à l’autre, la peſte n’enlevât le reſte des habitans de ce malheureux royaume. Il paroit, ſuivant des calculs aſſez généralement avoués, que la famine en fit périr un quart, c’eſt-à-dire, environ trois millions.
Mais ce qu’il y eut de vraiment remarquable, ce qui caractériſe la douceur, ou plutôt l’inertie morale & phyſique de ces peuples ; c’eſt qu’au milieu de ce fléau terrible, cette multitude d’hommes, preſſée par le plus impérieux de tous les beſoins, reſta dans une inaction abſolue, & ne tenta rien pour ſa propre conſervation. Tous les Européens, les Anglois ſur-tout, avoient des magaſins, & ces magaſins furent reſpectés. Les maiſons particulières le furent également. Aucune révolte ; point de meurtres, pas la moindre violence. Les malheureux Indiens, livrés à un déſeſpoir tranquille, ſe bornoient à im-