Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v2.djvu/81

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faire des conquêtes. Ils étoient trop attachés au beau ciel ſous lequel ils vivoient, à une terre qui fourniſſoit, preſque ſans culture, à leurs beſoins, pour être tentés de dominer ſous un autre climat, dans d’autres campagnes. Mahomet changea leurs idées ; mais il ne leur reſte plus rien de l’impulſion qu’il leur avoit donnée. Leur vie ſe paſſe à fumer, à prendre du café, de l’opium, du ſorbet ; à faire brûler des parfums exquis dont ils reçoivent la fumée dans leurs habits légèrement imprégnés d’une aſperſion d’eau roſe. Ces plaiſirs ſont ſouvent ſuivis ou précédés de vers galans ou amoureux.

Leurs compoſitions ſont d’une grâce, d’une molleſſe, d’un raffinement, ſoit d’expreſſion, ſoit de ſentiment, dont n’approche aucun peuple ancien ou moderne. La langue qu’ils parlent dans ce monde à leur maîtreſſe, ſemble être celle qu’ils parleront dans l’autre à leurs houris. C’eſt une eſpèce de muſique ſi touchante & ſi fine ; c’eſt un murmure ſi doux ; ce ſont des comparaiſons ſi riantes & ſi fraîches : je dirois preſque que leur poéſie eſt parfumée comme leur contrée. Ce qu’eſt l’honneur dans les mœurs de nos paladins,