Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v3.djvu/374

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en augmentant celle de leurs commettans. En moins de ſix ans ſoixante mille familles Américaines ſe trouvèrent réduites à quatorze mille. Il fallut aller chercher ſur le continent & dans les iſles voiſines d’autres ſauvages pour les remplacer.

Les uns & les autres étoient accouplés au travail comme des bêtes. On faiſoit relever, à force de coups, ceux qui plioient ſous leurs fardeaux. Il n’y avoit de communication entre les deux ſexes, qu’à la dérobée. Les hommes périſſoient dans les mines, & les femmes dans les champs que cultivoient leurs foibles mains. Une nourriture mal-ſaine, inſuffiſante, achevoit d’épuiſer des corps excédés de fatigues. Le lait tarriſſoit dans le ſein des mères. Elles expiroient de faim, de laſſitude, preſſant contre leurs mamelles deſſéchées leurs enfans morts ou mourans. Les pères s’empoiſonnoient. Quelques-uns ſe pendirent aux arbres, après y avoir pendu leurs fils & leurs épouſes. Leur race n’eſt plus. Il faut que je m’arrête ici un moment. Mes yeux ſe rempliſſent de larmes, & je ne vois plus ce que j’écris.

VIII. Navigations qui conduiſent les Eſpagnols à la connoiſſance du Mexique.

Ayant que ces ſcènes d’horreur euſſent