Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/330

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La paſſion qu’avoient les dévaſtateurs de faire des eſclaves ne fut pas étouffée par cette émigration. Ils pourſuivirent leur timide proie dans ſon nouvel aſyle, & devoient, avec le tems, tout diſperſer, tout mettre aux fers, ou tout égorger, à moins qu’on ne donnât aux Indiens des armes pareilles à celles de leurs agreſſeurs.

C’étoit une propoſition délicate à faire. L’Eſpagne avoit pour maxime de ne pas introduire l’uſage des armes à feu parmi les anciens habitans de cet autre hémiſphère, dans la crainte qu’ils ne ſe ſerviſſent un jour de ces foudres pour recouvrer leurs premiers droits. Les Jéſuites applaudiſſoient à cette défiance néceſſaire avec des nations dont la ſoumiſſion étoit forcée : mais ils la jugeoient inutile avec des peuples librement attachés aux rois catholiques par des liens ſi doux, qu’ils ne pouvoient être jamais tentés de les dénouer. Les raiſons ou les inſtances de ces miſſionnaires triomphèrent des oppoſitions & des préjugés. En 1639, on accorda des fuſils aux Guaranis ; & cette faveur les délivra pour toujours du plus grand des dangers qu’ils pouvoient courir.