Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leur en prêchoient les dogmes, ils refuſoient de les croire, de peur, diſoient-ils, que leurs voiſins ne ſe moquâſſent d’eux.

Quoique les Caraïbes n’euſſent aucune eſpèce de gouvernement, leur tranquillité n’étoit pas troublée. Ils devoient la paix dont ils jouiſſoient, à cette pitié innée qui précède toute réflexion, & d’où découlent les vertus ſociales. Cette douce compaſſion prend ſa ſource dans l’organiſation de l’homme, auquel il ſuffit de s’aimer lui-même pour haïr le mal de ſes ſemblables. Ainſi, pour humaniſer les deſpotes, il ſuffiroit qu’ils fuſſent eux-mêmes les bourreaux des victimes qu’ils immolent à leur orgueil, & les exécuteurs des cruautés qu’ils ordonnent. Il faudroit qu’ils mutilâſſent de leurs mains voluptueuſes les eunuques de leur sérail ; qu’ils allâſſent dans les champs de bataille recueillir le ſang, entendre les imprécations, voir les convulſions & l’agonie de leurs ſoldats mourans ; qu’ils entrâſſent dans les hôpitaux pour y conſidérer à loiſir les plaies, les fractures, les maladies occaſionnées par la famine, par les travaux périlleux & mal-ſains, par la dureté des corvées & des impôts, par