Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/344

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doute. Auſſi-tôt tout l’or qu’on poſſédoit fut jeté dans les flots.

Cependant les Indiens virent avancer les Eſpagnols. Les fuſils, les canons, ces dieux épouvantables, de leur bruit foudroyant diſpersèrent les ſauvages qui vouloient réſiſter. Mais Hatuey pouvoit les raſſembler. On fouille dans les bois, on le prend, on le condamne au feu. Attaché au poteau du bûcher, lorſqu’il n’attendoit que la flamme, un prêtre barbare vint lui propoſer le baptême & lui parler du paradis. Dans ce lieu de délices, dit le cacique, y a-t-il des Eſpagnols ? Oui, répondit le miſſionnaire, mais il n’y en a que de bons. Le meilleur ne vaut rien, reprit Hatuey, & je ne veux point aller dans un lieu ou je craindrois d’en trouver un ſeul. Ne me parlez plus de votre religion, & laiſſez-moi mourir.

Le cacique fut brûlé, le Dieu des chrétiens déſhonoré, ſa croix baignée dans le ſang humain : mais Velaſquez ne trouva plus d’ennemis. Tout plia ſans réſiſtance ; & la nation ne ſurvécut cependant que peu à la perte de ſa liberté. Dans ces tems de férocité, où conquérir n’étoit que détruire,