Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/394

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de ſes habitans dans une iſle voiſine, connue ſous le nom de Saba. Il faut gravir preſque au ſommet de ce roc eſcarpé, pour y trouver un peu de terre. Elle eſt très-propre au jardinage. Des pluies fréquentes, mais dont l’eau ne séjourne pas, y font croître des plantes d’un goût exquis, & des choux d’une groſſeur ſingulière. Une cinquantaine de familles Européennes, avec environ cent cinquante eſclaves, y cultivent le coton, le filent, en font des bas, qu’on vend aux autres colonies juſqu’à dix écus la paire. Il n’y a pas en Amérique d’auſſi beau ſang que celui de Saba. Les femmes y conſervent une fraîcheur qu’on ne retrouve dans aucune autre des Antilles. Heureuſe peuplade ! élevée ſur un rocher entre le ciel & la mer, elle jouit de ces deux élémens, ſans en craindre les orages. Elle reſpire un air pur, vit de légumes, cultive une production ſimple qui lui donne l’aiſance ſans la tentation des richeſſes, s’occupe d’un travail moins pénible qu’utile, poſſède en paix tous les biens de la modération, la ſanté, la beauté, la liberté. C’eſt-là le temple de la paix, d’où le ſage peut contempler à