Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/460

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brillant ſpectacle. Le ciel, d’un azur clair & ſerain, devient ſombre & rougeâtre, dans toute l’étendue de la Jamaïque. Un bruit ſourd ſe répand ſous terre, des montagnes dans la plaine. Les rochers ſe fendent. Des coteaux ſe rapprochent. À la place des monts engloutis s’élèvent des marais infects. De vaſtes forêts ſont tranſportées à pluſieurs milles de leur ſituation première. Les édifices diſparoiſſent dans des gouffres, ou tombent renversés ſur leurs fondemens. Treize mille hommes trouvent la mort dans ce tombeau de l’iſle entière ; trois mille périſſent de la contagion, qui ſuit ce fléau deſtructeur. À cette époque, la nature perd, dit-on, de ſa beauté, l’air de ſa pureté, le ſol de ſa fertilité. Les Européens apprennent de ce phénomène épouvantable, ou ils ne l’apprendront jamais, à ne pas ſe repoſer ſur la poſſeſſion d’un monde qui chancelle ſous leurs pieds, qui ſemble ſe dérober à leurs avides mains.

Dans ce déſordre général. Port-Royal voit enſevelis dans les flots irrités, ou jetés au loin ſur des plages déſolées, les nombreux vaiſſeaux, dont les orgueilleux pavil-