Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/123

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nous les vices & les malheurs ; cet animal à qui la nature donna le beſoin, inſpira l’inſtinct de vivre avec ſes ſemblables, pour la propagation & la conſervation de ſon eſpèce ; cet animal doux, touchant, plaintif, dont l’exemple & le fort arrachent des larmes d’admiration & d’attendriſſement au philoſophe ſenſible, qui contemple ſa vie & ſes mœurs : le caſtor, qui ne nuit à aucun être vivant, qui n’eſt ni carnaſſier, ni ſanguinaire, ni guerrier, eſt devenu la plus furieuſe paſſion de l’homme chaſſeur ; la proie à laquelle le ſauvage eſt le plus cruellement acharné, grâce à l’implacable avidité des peuples les plus policés de l’Europe.

Long d’environ trois à quatre pieds, épais dans une proportion qui lui donne entre cinquante & ſoixante livres de peſanteur, qu’il doit ſur-tout à la groſſeur de ſes muſcles ; il a la tête comme un rat, & il la porte baiſſée avec le dos arqué comme une ſouris. Lucrèce a dit, non pas que l’homme a reçu des mains pour s’en ſervir ; mais qu’il a eu des mains & qu’il s’en eſt ſervi. De même le caſtor a des membranes aux pieds de derrière, & il nage ; il a des doigts séparés