Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/366

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commerce dans toutes les mers, ſeroient moins pénibles, moins nuiſibles que la vie errante des ſauvages chaſſeurs ou pêcheurs : quand on croîroit que des hommes qui ſe lamentent pour des peines, des affronts, des maux qui ne tiennent qu’à l’opinion, ſont moins malheureux que des ſauvages qui, dans les tortures & les ſupplices même, ne verſent pas une larme ; il reſteroit encore une diſtance infinie entre le ſort de l’homme civil & celui de l’homme ſauvage : différence toute entière au déſavantage de l’état ſocial. C’eſt l’injuſtice qui règne dans l’inégalité factice des fortunes & des conditions : inégalité qui naît de l’oppreſſion & la reproduit.

En vain l’habitude, les préjugés, l’ignorance & le travail abrutiſſent le peuple juſqu’à l’empêcher de ſentir ſa dégradation : ni la religion, ni la morale, ne peuvent lui fermer les yeux ſur l’injuſtice de la répartition des maux & des biens de la condition humaine, dans l’ordre politique. Combien de fois a-t-on entendu l’homme du peuple demanderai au ciel quel étoit ſon crime, pour naître ſur la terre dans un état d’indigence & de dépendance extrêmes ? Y eût-il de grandes