Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vigoureuſes & parlantes des ſauvages du Canada.

Ceux-ci, toujours livrés uniquement à la paſſion qui les occupe, ont une ſorte de fureur pour le jeu comme tous les gens oiſifs, & ſur-tout pour les jeux de haſard. Ces hommes ordinairement ſi taciturnes, ſi modérés, ſi maîtres d’eux-mêmes, ſi déſintéreſſés, deviennent au jeu forcenés, avides, turbulens ; ils y perdent le repos, la raiſon & tout ce qu’ils poſſèdent. Dénués de la plupart des choſes, curieux de ce qu’ils voient, &, dès qu’il leur plaît, preſſés de l’avoir, & d’en jouir, ils ſe livrent tout entiers aux moyens d’acquérir les plus prompts & les moins pénibles. C’eſt une ſuite de leurs mœurs ; c’eſt encore une ſuite de leur caractère. L’aſpect du bonheur préſent dérobe toujours à leurs yeux le mal qui peut le ſuivre. Leur prévoyance ne va pas même du jour à la nuit. Ce ſont alternativement des enfans imbéciles, & des hommes terribles. Tout dépend du moment.

Le jeu ſuffiroit pour les mener à la ſuperétation ; quand ils ne ſeroient pas ſujets par leur nature à ce fléau de l’eſpèce hu-