Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a été ſagement imaginée, pour perpétuer des peuples qu’un état de guerre continuelle auroit bientôt épuisés. Les priſonniers, incorporés dans une famille, y deviennent couſins, oncles, pères, frères, époux ; enfin ils y prennent tous les titres du mort qu’ils remplacent ; & ces tendres noms leur donnent tous ſes droits, en même tems qu’ils leur impoſent tous ſes engagemens. Loin de ſe refuſer aux ſentimens qu’ils doivent à la famille dont ils ſont faits membres, ils n’ont pas même d’éloignement à prendre les armes contre leurs compatriotes. C’eſt pourtant un étrange renverſement des liens de la nature. Il faut qu’ils ſoient bien foibles pour changer ainſi d’objet avec les viciſſitudes de la fortune. C’eſt que la guerre en effet, ſemble rompre tous les nœuds du ſang, & n’attacher plus l’homme qu’à lui-même. De-là vient, chez les ſauvages, cette union entre les amis, plus forte que celle des parens. Ceux qui combattent & meurent enſemble ſont plus étroitement liés que ceux qui ſont nés enſemble ou ſous le même toit. Quand la guerre ou la mort a brisé la parenté, qui eſt cimentée par la nature, ou celle qui eſt

formée