Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/97

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De ta lèvre, immobile ainsi que ces rameaux,
Tu ne peux détacher ta flûte de roseaux.
Jeune homme ! sur ton sein la vierge en vain chancelle,
Tu respires sa bouche et ne peux la cueillir
N’en gémis point : le Temps, au lieu de la flétrir,
Sacre votre jeunesse et la rend immortelle.

Platanes fortunés ! votre feuille à l’hiver
Résiste et des frimas ne sent pas la morsure ;
Ô fortuné chanteur, ta flûte dans l’éther
Tranquille est écoutée et sonne toujours pure ;
Mais, ô plus fortuné cent fois, toi dont l’amour
Garde la fraîche illusion du premier jour
Et demeure affranchi du poids de la matière,
Exempt des noirs retours, du morne accablement
Où l’étreinte nous jette inexorablement,
Tant le fond de la coupe est fait de lie amère !

Une procession s’avance lentement ;
Quel est ce prêtre qui conduit au sacrifice,
De guirlandes parée, une blanche génisse,
Dont il me semble ouïr le triste beuglement ?
Une petite ville aux bords d’un cours d’eau frêle,
Ou marine, ou dressée en roide citadelle,