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CHARLES BAUDELAIRE

tures ! Quels horizons plus larges pouvait-il espérer que ceux que le magnifique essor de la Poésie ouvrait alors sur le monde ? Il ne faut pas juger le mouvement des esprits de 1830 avec nos préventions d’aujourd’hui. La bataille est terminée. Nous pouvons compter les morts. Bien des illusions se sont dissipées ; bien des prestiges évanouis. Il faut nous reporter au matin de la bataille, revivre l’enthousiasme du départ, la furie de l’attaque, quand les drapeaux se gonflaient d’un frémissement d’espoir et d’héroïsme, quand les clairons sonnaient la charge et l’assurance de la victoire.

Toute la jeunesse s’ébranlait à la suite de Hugo, ivre de ses forces nouvelles. La place de Baudelaire était là, dans le bataillon sacré, aux côtés de Banville, de Gautier, de Gérard de Nerval, d’autres qui sont légion. Il lui semblait partir en exil, mieux encore, déserter, et l’on conçoit qu’il n’ait pas achevé son voyage. Il n’alla pas jusqu’aux Indes. Il se fit rapatrier dès la seconde escale, à l’île Bourbon, et l’on conçoit encore qu’à son retour, à ceux qui l’interrogeaient sur ses impressions, son penchant à la mystification lui ait suggéré de répondre :

Ce voyage ne m’a pas été inutile. J’avais emporté les œuvres complètes de Balzac. J’ai eu tout loisir de les lire !

Son absence avait duré du 29 juin 1841 aux pre-