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CHARLES BAUDELAIRE

tandis que Maeterlinck proclamait Baudelaire « le chef spirituel de sa génération », Brunetière l’accusait « d’ériger en exemple la débauche et l’immoralité » et d’avoir « corrompu la notion même de l’Art ». Il y a déjà une indication dans la qualité de ses partisans, et la boutade d’Auguste Vitu suffirait, pour des esprits simplistes, à résumer la situation :

Baudelaire est une pierre de touche, il déplaît invariablement aux imbéciles.

Une des causes de cette prévention persistante chez les détracteurs de bonne foi, c’est peut-être la peur des mots. Tant de gens cèdent à la suggestion des titres.

    édité par la Maison du Livre, et où l’on a recueilli, à côté des opinions célèbres déjà parues sur l’Auteur des Fleurs du Mal, le suffrage inédit des écrivains nouveaux les plus qualifiés. Il ne faut pas oublier que, tout récemment encore, dans ses Écrits sur le théâtre parus chez Grès, M. Henri Bataille, qui est, de nos auteurs dramatiques, le plus subtil, le plus délié, et de nos poètes, le plus attentif aux évolutions de la conscience, estimait, au cours d’une étude consacrée à Georges de Porto-Riche, que les Fleurs du Mal sont « au plus haut sommet de la Poésie française ». Dans une lettre particulière, M. Henry Bataille a bien voulu préciser ainsi son opinion :

    « Jusqu’à Baudelaire, la poésie, même la plus haute, ne vit que sur les truismes de l’Idéal. Lui, seul, a épousé les contours de la vie et de la vérité ; lui, seul, a tordu le cou à l’éloquence et au procédé lyrique qui consiste à mettre la poésie automatiquement en marche comme des mouvements d’horlogerie.

    « Lui, a créé le grand lyrisme immobile, le lyrisme qui est l’égal de la musique et qui a la force d’un orchestre. »