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Ainsi on voulait me marier ! J’allais être libre. Je n’avais déjà plus de haine pour le prêtre qui parlait ainsi à ma mère. Je lui pardonnais tout, mais je ne pouvais me pardonner à moi-même de lui avoir livré mon secret.

Jamais je ne me serais figuré l’époux que ma tante m’avait choisi sans s’occuper de mes goûts, sans savoir si mes yeux ne s’étaient pas déjà fixés sur un ami. Quand elle me dit que le bailli avait demandé ma main et qu’elle la lui avait accordée, que le mariage était pour ainsi dire décidé, mes jambes ne me portèrent plus, je crus que j’allais m’évanouir ; mais après ce premier moment de défaillance, je sentis le sang me monter à la face. La colère me souleva. Quoi, le bailli serait mon mari, ce vieil homme, laid, mal soigné, qui bégayait d’une voix nasillarde et dont les yeux insolents semblaient fureter dans votre pensée avec méchanceté ! Le bailli dont ma tante elle-même s’était moquée avec moi ! Le bailli dont le fils avait osé, la semaine précédente encore, se porter sur moi à des violences abomina-