Aller au contenu

Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Maintenant, s’écria Arrivabene, vous n’êtes pas jolie, vous êtes céleste.

— Comment céleste ?

— Oui ! le bon Dieu choisit ses plus grandes saintes à l’âge où ma pauvre défunte maman, qui était fort jalouse, prenait ses cuisinières. La sainteté exige du bois solide et non pas des tendrons.

— Alors, dit la Petanera, vous croyez, Arrivabene, qu’une jeune et jolie femme ne pourrait pas aller en Paradis ?

— Oh ! rassurez-vous, répondit le moine.

— Je pardonne tout à Arrivabene, fit Nichina, sauf d’avoir laissé livrer à sa place un innocent.

— Mais je l’étais aussi, moi, innocent ! Et pourquoi n’aurais-je pas préféré mon innocence à la sienne ? D’ailleurs Gennaro avait une innocence d’hérétique, c’est-à-dire que sa conscience était nette comme le derrière des religieuses qui le lavent seulement aux quatre grandes fêtes de l’année. Le frère devra, au contraire, dans le ciel, me remercier de l’avoir abandonné à la justice des hommes, puisque sa pénitence terrestre lui a sans doute évité la justice de Dieu, dont les arrêts sont autrement redoutables. Mais laissons cela.

Et Arrivabene me conduisit à l’écart.

— Mon frère, dit-il, tu as de l’argent ?

— Comment, répondis-je, veux-tu que j’aie l’argent : c’est toi qui l’as mis dans ta besace.

— Je ne parle pas de l’argent de la quête, mais de ton argent à toi.

— Tu sais bien qu’en entrant au couvent on fait vœu de pauvreté.

— Tu n’as pas encore prononcé tes vœux ?

— C’est vrai, mais je n’ai rien sur moi. Je suis aujourd’hui un véritable frère mendiant qui, pour vivre,