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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/129

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à son goût : propos fielleux, complaisances empoisonnées, tendresses hypocrites, oraisons commençant avec une médisance et terminées par une calomnie.

Vous auriez tort, ma chère, reprit Nichina, de juger de la sorte ma bienfaitrice. Pour moi, je me sentis immédiatement conquise par sa générosité. Il y avait dans sa physionomie une majesté douce et pitoyable qui m’imposa. Aussi ne manquai-je point, tout attendrie, de lui exprimer ma gratitude.

— Mon enfant, fit-elle, je vous ai vue pleurer, et quand je vois pleurer une jeune fille, c’est plus fort que moi : je ne puis m’empêcher de lui venir en aide. Vous êtes malheureuse, n’est-ce pas ?

Ainsi sollicité, mon chagrin me revenait. Je pensai que ce serait bon de verser encore quelques larmes dans le sein de cette brave femme et d’exciter une compassion qui serait peut-être fructueuse.

— Voyons, ma chère enfant, reprenait-elle, ayez confiance en moi, je ne désire que votre bien. Contez-moi vos peines. Voulez-vous m’accompagner à la maison, à dix pas d’ici ? Nous serons mieux pour causer.

Je me souvins alors que le jeune prêtre de Saint-Jean-de-Bragora m’attendait dans la sacristie. Si cette dame me montrait une vive sympathie, il paraissait, lui aussi, me vouloir beaucoup de bien. Après quelques hésitations je me décidai pourtant à rester avec ma dévote. Je fis sagement : j’ai appris l’année dernière qu’on avait décapité l’abbé pour un crime abominable.