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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/13

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toute confiance m’abandonna ; et, comme j’apercevais une lumière à la fenêtre de Liello, je songeai à tout ce qu’il devait faire d’agréable en cet instant ; alors, furieux et plein de haine, je crachai sur son seuil et ébranlai sa porte d’un coup de pied en criant, si haut qu’il a dû l’entendre :

— Porc infâme ! puisse ta gouge te planter des cornes plus élevées que les colonnes de la Piazzetta, puisses-tu devenir la risée de tout le monde et rester toi-même plus malheureux encore que je le suis en ce moment.

Ayant ainsi soulagé ma colère, je me sentis, au souvenir de Carlona, près de fondre en larmes, mais ce n’était pas le moment de pleurer, je me retins et courus trouver l’abbé Coccone qui habitait chez le légat, au palais Guarini, sur le Grand Canal.

Sachant le crédit dont il jouissait à Venise et l’estime qu’il témoignait à notre maison, je l’avais choisi pour directeur de conscience, en un temps où, l’âme libre et sans amour, je songeais à user de l’influence du prêtre pour parvenir aux honneurs. Malheureusement l’abbé Coccone, tout prêt à encourager des ambitions qui l’eussent lui-même servi, était, en cette circonstance, peu disposé à excuser des fautes dont l’éclat devait rejaillir sur le confesseur, et je redoutais, en lui avouant mon crime, sinon son indignation, du moins la sévérité de sa morale, car, vivant toujours au milieu de ses livres, il ignorait la femme et ne compatissait point aux faiblesses humaines.

Il travaillait la nuit, durant plusieurs heures, à une Vie de saint Pierre, dont le rude génie convenait à un esprit froid et ami de la règle comme le sien. Il n’était pas jusqu’à ce reniement discret, récompensé plus tard par le pontificat et la gloire de fondateur de l’Église, qui n’émût l’âme vaniteuse et prompte aux