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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/169

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Lorsqu’il fut parti, je courus à mon docteur qui était à la promenade. D’aussi loin que je l’aperçus, je lui criai :

— Michele ! Michele ! je joue la comédie à la fête ! je suis la maîtresse de Jupiter, puis une dame qui trompe son mari, et puis l’Hymen qui vient marier tous les amoureux, et puis je ne me rappelle plus quoi. Vite ! vite ! Il faut que tu me fasses entrer ces rôles dans la tête, allons ! secoue-toi ! n’aie pas l’air ahuri !

Nous nous mîmes aussitôt au travail. Il était d’une patience et d’un entêtement admirable ; pour moi je passais, dans un instant, de l’extrême enthousiasme au plus profond dégoût. Parfois, si j’avais mal répété une scène, je m’approchais de Michele à genoux, je baissais la tête et prenant une voix de petite fillette :

— Seigneur docteur, fouettez-moi ferme, que je ne recommence plus !

Mais il m’arrivait aussi d’avoir l’humeur capricieuse. Et comme Michele me répétait :

— Ce n’est pas cela !

— Que ce soit ma figue ou ton oiseau, je m’en moque, répondais-je.

Je lui jetais le livre à la tête en lui criant d’aller se promener et je descendais au jardin où, de colère, j’arrachais toutes les fleurs.

Le grand jour arriva ! Levée dès l’aube, je courus à la fenêtre respirer l’air frais que les roses embaumaient et je me réjouis de la lumière naissante. Déjà, dans notre rue, on clouait des tentures, la Seigneurie ayant voulu que toute la ville fût parée pour la fête. Je songeai alors à m’habiller et j’allai réveiller Cecca. La pauvre fille était toute triste de ne point faire partie du cortège, mais loin de concevoir quelque envie de mon heureuse fortune, elle semblait m’en aimer davantage.