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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/17

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Esprit que de ne pas suivre sa vocation ? Or, vous le savez bien, j’ai, comme mon oncle, le génie des affaires.

Zana, le frère de ma mère, avait gagné beaucoup d’argent à diriger une fabrique de verre à Murano. Coccone était inébranlable.

— Je vous répète ce que je viens de vous dire : il faut entrer au couvent.

— Au couvent, repris-je, et à quel couvent ? Vous songez peut-être aux bénédictins, mais ces moines, si ce qu’on rapporte est vrai, accomplissent, en écritures, les travaux d’Hercule. S’il me fallait vivre avec eux je mourrais au bout de huit jours, moi qui n’ai jamais pu attacher mon esprit à quelque chose plus de deux heures de suite.

— Il y a d’autres ordres, celui de saint Dominique, par exemple.

— Ah ! mon père, les dominicains sont des prêchi-prêcha et je manque d’éloquence. D’ailleurs, depuis frère Girolamo, je crains qu’il ne souffle sur cet ordre un vent de perdition, et tant qu’à faire de me mettre moine, je dois éviter de m’unir à des hérétiques.

— Eh bien ! faites-vous carme.

— Les carmes vivent trop isolés, répondis-je, et moi, je ne me sens de dispositions au bien qu’en compagnie. J’ai toujours remarqué que la solitude était dangereuse pour mon imagination, qui, abandonnée à elle-même, s’autorise mille fantaisies.

— Alors, mon fils, il n’y a qu’un ordre qui vous convienne vraiment. C’est celui que fonda saint François : l’ordre des frères mineurs. Il humiliera votre orgueil et chassera de votre esprit la corruption qui s’y trouve encore.

Sur ces paroles, l’abbé commença d’écrire une lettre ; quand il l’eut achevée, il me la tendit en me