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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/194

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Mais déjà Michele avait disparu et je ne devais plus demander conseil qu’à mon inspiration.

Vivaio, l’organisateur de spectacle, n’arrivait pas, et j’étais furieuse d’être ainsi restée à l’attendre inutilement au lieu d’aller me divertir au Lido. Puis l’idée de jouer la comédie me causait une ivresse mêlée d’appréhensions. Orsetta et Fenice, affalées contre le mur, s’égayaient de me voir marcher à grands pas dans la chambre. Je surpris leurs chuchotements et leurs coups d’œil railleurs.

— Ça ne vous fait donc rien, à vous, de paraître sur le théâtre ? leur dis-je en les regardant bien en face.

Fenice me répliqua :

— Je suis surprise que vous avez si grand’peur de montrer votre figure en public, quand chacun a pu voir votre cul en particulier.

— Vous seriez bien heureuse de montrer le vôtre, m’écriai-je sur un ton de colère, si quelqu’un se souciait de le voir.

— Propre à rien ! dit Fenice, si tu n’avais pas ta sale dentelle sur la peau, tu ne pourrais pas seulement te vendre, tripes et tout, un scudo.

Nous continuions à nous jeter au visage de désagréables vérités, quand une voix retentit tout à coup, qui me coula dans le dos comme un seau d’eau froide en hiver.

— Allons ! qu’est-ce qui se passe ici ? ces demoiselles se disputent ?

L’abbé Coccone venait de montrer à la porte son nez long et ses yeux fureteurs.

Déjà prêtes à nous égratigner le visage, nous arrêtâmes notre querelle, et nos mains crispées de rage, qui se tendaient menaçantes, retombèrent lâchement, tandis qu’Orsetta, riant toute seule, se cachait