Si jamais elle m’éloigne de toi,
Mon enfant, prends tes flèches
Et meurtris-la sans pitié
D’un vil et méprisable amour.
Au lieu de lui répondre, je me sauvai de la scène.
— Ah ! fis-je, qu’on ouvre ma jupe, qu’on brise ces liens. J’étouffe !
Et je tombai sur un banc.
Mais, tandis qu’on s’empressait autour de moi, des cris terribles remplirent tout le théâtre et je vis courir Orsetta et Fenice ; elles se tordaient de douleur et hurlaient qu’elles étaient empoisonnées…
— À l’aide ! à l’aide ! faisait Fenice. Ah ! mon ventre ! ah ! délivrez-moi !… Ah ! ah ! j’ai d’horribles aiguilles qui me percent, qui me supplicient. Oh ! je souffre ! oh ! sauvez-moi ! Ah ! ah ! arrr !
Orsetta, plus calme, implorait la Vierge :
— Sainte Marie, mère de Notre-Seigneur… Ah ! ah ! Sainte Marie, ayez pitié… Oh ! quel mal, quel mal horrible !… Ah ! ah ! je vais mourir.
— Voyons, dit Vivaio d’un ton sévère et ennuyé, si vous souffrez, on va vous soigner ; allez à côté, il doit bien y avoir un médecin dans la salle ; il viendra tout à l’heure vous voir. Mais tâchez de retenir vos cris : un pareil tapage est scandaleux.
— Messer, demanda Orsetta d’une voix éteinte, connaissez-vous Filippo Travetta ?… Non ! c’est bien malheureux, ah ! ah ! que je souffre !… mais peut-être qu’il y en a qui le connaissent ici… Ah ! ah ! secourez-moi !… Filippo est toujours dans l’ostérie du Merlone. Il faudrait bien lui dire… Mon Dieu ! ayez pitié… lui dire que, s’il m’aime un peu, il se dépêche de venir, parce que je n’en ai plus pour longtemps, oh ! l’affreuse douleur !… et que je voudrais bien le voir.