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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/224

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parait de son être et qu’il échangeait l’égoïsme neuf, impétueux de ses instincts contre une mécanique étrangère et ancienne, réglée jadis par un homme dont le cadavre même n’existe plus. Ainsi, tous les êtres que tu verras ici n’agissent point de leur propre volonté ; seule, l’ombre du créateur de leur ordre les conduit du fond de la tombe ; c’est lui qui leur inspira de ne garder, des magnifiques présents de l’existence, que les fonctions du corps les plus grossières ; et c’est pour complaire à ses cendres qu’ils ont étouffé en eux cette sensualité avide et curieuse, qui nous aide à pénétrer le Monde.

Mais excitée par l’air libre et les parfums des champs, je répondis :

— Ô Fasol ! si tu ne comprends pas ces hommes, tu ne comprends rien. Bien souvent, à Venise, j’ai rêvé d’aller m’enfermer dans un couvent pour ne plus voir que le ciel entre quatre murailles.

— Tu as eu des malheurs ? dit Fasol d’un ton railleur.

Je levai les épaules. Je songeais que s’il m’était impossible de vivre avec Guido, j’irais chercher la paix dans l’une de ces pieuses retraites. De ces hauteurs, l’agitation de Venise, les luttes pour l’argent, les honneurs et le plaisir, me parurent misérables. Seul le bon Dieu peut me consoler de ne pas être aimée, me dis-je, mais j’espérais bien ne pas avoir besoin de lui.

Nous allions nous engager dans l’avenue qui conduisait au monastère, quand l’abbé Coccone vint avertir Fasol qu’on n’y laissait entrer aucune femme et le pria de chercher un logis dans les environs. Fasol, fort contrarié, se décida pourtant à tourner bride, après avoir lancé, contre les reli-