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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/25

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Le lendemain de ce jour, je fus soumis à la règle du couvent et je dus prier et travailler avec les autres moines. Ma première peine fut de quitter mes vêtements et mon linge fin de gentilhomme pour revêtir une robe de bure qui me causait à la peau des démangeaisons intolérables. Les travaux manuels auxquels je fus employé me brisèrent. On m’ordonnait continuellement de remuer la terre du jardin, sans autre utilité que de me rompre le corps de lassitude. Je dormais à la chapelle, je dormais au réfectoire, je dormais partout. Une fois, par punition de m’être endormi, on me contraignit à rester agenouillé plusieurs heures devant l’autel. Je me relevais, la tête en feu, stupide de honte et d’immobilité forcée, lorsque j’aperçus, à côté de moi, un frère à la barbe grise, qui venait de subir la même punition et avait les joues rouges, l’air piteux d’un écolier corrigé. Je ne pus m’empêcher de rire à l’idée de la discipline enfantine et ridicule à laquelle nous étions soumis. Enfin la fatigue, les privations et l’ennui de ma nouvelle existence me rendirent si malade qu’on m’autorisa, pour me remettre, à rester quelques jours couché dans ma cellule.

Quand le sommeil eut réparé mes forces et que mon intelligence eut repris son activité ancienne, une image insinuante se glissa dans mon esprit. Vague, indécise, voluptueuse comme une caresse, elle me rappelait des yeux dont j’avais chéri l’ardeur fine et passionnée, mais que je ne connaissais plus à présent. Il me semblait aussi qu’une gorge mignonne, aux pommes dures et écartées, s’approchait de ma bouche et la chatouillait de leurs deux tiges. La chair, ici menue et comme économisée pour un subtil dessin, s’élargissait plus bas avec une richesse prodigue. Et le corps, qu’animait une santé riante, m’enchantait par le poli, l’éclat, les courbes larges et pleines de ses