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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/461

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— Comment en es-tu venue là ? continuai-je ; on m’avait conté que tu étais partie pour Trente avec un riche gentilhomme ?

— Ah ! c’est l’amour qui m’a mise où je suis.

— Je t’ai toujours dit que tu avais trop de cœur, que cela te jouerait un mauvais tour.

— Que veux-tu ? Le bon Dieu est le maître ! Et toi-même, Nichina, on m’a raconté que tu avais eu une grande passion ?

— Il faut bien jeter sa gourme. Je suis sage à présent. Car, vois-tu, Lucietta, on pouvait autrefois se permettre d’avoir du sentiment dans notre métier, mais, aujourd’hui, celles qui en montrent un peu sont perdues. Les hommes ne savent plus se conduire honnêtement avec la femme. Demande au gentilhomme le plus riche du monde de te donner seulement la moitié de sa fortune : il t’enverra promener. Aussi, puisqu’ils sont des porcs, soyons donc à notre tour des truies !

Comme Lucietta regardait avec envie mon voile et mes jupes brodées :

— Tu vas venir dîner chez moi, et, si ma maison te plaît, tu y resteras. Et, vois-tu, je serai bien heureuse de causer d’amour avec toi. Nous avons assez souffert toutes deux pour prendre plaisir à nos confidences. Attends-moi un instant. Je vais mettre un cierge à Ma Dame et je te rejoins.

Pendant le trajet, nous vînmes à parler de notre sœur Costanza et je lui demandai ce qu’elle était devenue.

— Tout le monde, fit Lucietta, s’était tourné contre elle. On ne tarissait pas en reproches. « Pourquoi, lui disait-on, avez-vous épousé un Juif ? — Mais je l’ai trompé. — C’est encore plus mal ! Vous deviez vivre honorablement avec lui et tâcher qu’il mourût