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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/64

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seigneur abbé. Quoi que nous fassions, nous aurons toujours des ennemis et des détracteurs. Le mieux est de ne pas s’en occuper et d’agir à notre guise.

— Enfin ce moine hérétique, ce frère qui pue le vin, votre peintre athée, tous ces vauriens qui encombrent les cuisines et dont vous vous plaisez à composer votre domestique, font ressembler le palais du légat à… à…, je n’ose dire à quoi, par égard pour vous, monseigneur.

— Ces animaux-là m’amusent, répliqua le cardinal. Les uns ont la beauté, les autres l’esprit. C’est assez pour justifier leur présence au palais. Je joue avec eux comme avec mes lévriers. Vous comprenez, Coccone, que les affaires de Sa Sainteté ne sont pas si intéressantes que l’on n’éprouve parfois le besoin de s’en divertir.

Comme ils causaient encore, Guido entra dans le vestibule, portant deux gros volumes. Lorsqu’il me vit, il fut si pressé de se débarrasser de sa charge qu’il déposa les livres, sans y prendre garde, sur les bords d’une table, d’où ils tombèrent sur les dalles.

— Petit maladroit ! s’écria l’abbé, en lui appliquant deux soufflets.

Et Coccone se préparait à lui en donner d’autres, quand furieuse, oubliant les recommandations de Guido, je tirai l’abbé par sa manche.

— Voulez-vous ne pas le battre, méchant !

— Tiens ! mais il est drôle, mon nouveau page, dit le cardinal. Voilà qu’il vous fait la leçon, Coccone.

— C’est déplorable ! monseigneur, déplorable ! vous encouragez les enfants à mal se conduire.

— Mais si je les encourageais au bien, croyez-vous qu’ils ne se conduiraient pas plus mal ?

— Ce n’est pas la peine d’être légat de Sa Sainteté pour se permettre de pareils discours.