Aller au contenu

Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cina, la Lena Morella. Sa Seigneurie peut m’en croire ! toute la beauté qu’a créée le bon Dieu était en horreur à ce fou. Je l’ai vu frapper une mère au visage, parce qu’elle ne s’était pas occupée de cacher le sein dont elle allaitait son enfant ; je l’ai vu accabler de coups de pieds un pauvre innocent qui montrait son derrière en jouant sur le seuil d’une porte. La chair nue, un riche costume, tout objet de travail ou de métal précieux excitaient sa colère ; et, pour lui, la crasse et la laideur du corps étaient l’indice d’une âme pure et digne du ciel. Mais écoutez le dernier tour qu’il nous joua. Deux marchands, pour établir leur commerce, eurent besoin de l’assistance de mon père qui leur confia tout son bien. Ils s’engagèrent à le lui rendre peu à peu et à prélever, à titre de gratification, une petite somme sur leurs bénéfices annuels. Ces hommes, qui étaient de malhonnêtes gens, profitèrent, pour renier leur parole et garder le dépôt, d’une loi sur les emprunts que ce voleur de dominicain parvint à imposer au Grand Conseil. Par cette loi, tout prêteur était assimilé à un usurier, regardé comme un bourreau des pauvres et perdait ses droits sur l’argent prêté. C’est ainsi que ce moine prétendait ramener la justice à Florence ! Les réclamations de mon père ne furent donc pas écoutées, et, comme l’engagement conclu avec les marchands n’avait plus aucune valeur, on ne lui rendit rien. Désespéré d’une ruine qui l’atteignait dans la vieillesse, après toute une vie de travail et d’honnêteté, mon père se tua. Pour moi, qui appartenais à la classe des bénéficiers, je dus m’en aller de Florence, comme un mendiant, et chercher fortune à travers le monde.

— Alors, Meliaca, dit le cardinal, si on consacrait un autel au saint frère Girolamo tu n’irais pas brûler un cierge devant son image ?