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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/91

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battait et qu’on te traitait plus mal qu’un chien. À présent que tu as quelqu’un qui veille sur toi, qui s’intéresse à toi, tu me repousses.

— Qui donc s’intéresse à moi ?

— Le cardinal.

— Le cardinal me trouve un air qui lui plaît ; pour moi, je lui trouve plutôt un air désagréable, mais puisque Monseigneur me nourrit et me paie bien, pourquoi ne pas lui témoigner quelque gratitude ?

— Guido, tu me trompes : tu l’aimes.

— Nichina, je n’aime personne, sauf Dieu et son divin fils, Notre-Seigneur Jésus.

Il venait de m’avouer son secret : il aimait Dieu ; ce n’était point un mensonge. Oh ! il ne l’aimait point sans partage et sans défaillance, mais c’était le seul sentiment auquel il s’abandonnât corps et âme.

Les dimanches où le cardinal s’absentait, je l’avais vu souvent s’en aller en chantant avec des garçons de son âge qui riaient et plaisantaient bruyamment. De toutes ces parties il rapportait une sombre et pesante tristesse. Et, le lendemain, il passait la journée dans la chapelle à pleurer devant la croix. Tantôt il était animé d’une joie méchante et railleuse, tantôt il avait les yeux fixes et le continuel sourire des insensés. Le frère Gennaro, avec lequel il causait sans cesse, n’était pas étranger, selon moi, à ces accès de folie et de dévotion. Aussi, à ma douleur d’être oubliée de Guido se mêlait une haine violente contre le moine qui m’avait de la sorte arrachée du cœur de mon ami.

Nous couchions tout en haut du palais dans une même salle : Guido, Arrivabene, un domestique et moi. Nos nuits, qui étaient voluptueuses et amères, s’écoulaient à pleurer et à étreindre de vaines ombres. De ma couchette, j’entendais souvent les sanglots étouf-