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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


ture ! Je la vois qui s’approche du manteau dont j’avais débarrassé la pauvre femme, qui le regarde curieusement, qui en fouille les poches, et puis tout bas, dans son jargon : « Maîtresse, regardez donc ! les voleurs n’ont pas été bien adroits. » Il y avait là, dans un sac de cuir dissimulé entre les doubles pans du manteau, tout un trésor. Mme Lafon, avant son départ, avait dû réaliser en espèces une partie de sa fortune. Zinga ouvrit le sac et contemplait l’or : « Voilà » disait-elle, « pour me faire plaisir, à moi ! » Elle ajoutait en me regardant : « Et à toi aussi, maîtresse. » Elle n’ignorait pas qu’à ce moment j’étais dans un embarras extrême ; un jeune mulâtre, fils d’affranchi, furieux d’avoir été chassé de la maison, menaçait, si je n’achetais pas son silence, de raconter que je l’avais soumis, avec d’autres noirs et même des domestiques blancs, à d’abominables luxures. Il savait si bien mêler les vérités aux mensonges qu’il pouvait incriminer les plus innocents plaisirs et me déshonorer à jamais. Il fallait à tout prix fermer la bouche à cette canaille, mais j’étais alors sans argent ; une mauvaise récolte, des constructions dispendieuses, de grands frais agricoles me mettaient dans une gêne momentanée, et un emprunt, la vente d’un titre ou d’un bien me répugnaient. « Cette somme là serait bien utile, » disait Zinga. — « Portez tout de suite le manteau et le sac dans ma chambre », dis-je en affectant de la colère, mais Zinga sourit, car elle me voyait déjà vaincue. Sans s’occuper de mes ordres, sans paraître les entendre, elle continuait à regarder