— Tu attends une récompense, moucharde, lui dis-je, mais tu devrais plutôt attendre la rigoise pour tes méchantes dénonciations. Prends garde une autre fois de baver ton venin sur ta jeune maîtresse. Il en cuirait à ta peau.
Agathe et Antoinette, lasses d’avoir dansé la veille, reposaient encore. Un souffle léger, d’un mouvement égal, soulevait leur sein. Agathe avait la tête à demi-cachée par les cheveux dénoués d’Antoinette ; frêle, presque maigre, elle semblait chercher protection auprès de sa grande amie dont le bras s’allongeait sur son épaule. Une ombre charmante couvrait leurs paupières, jouait autour de leurs cils et de leurs lèvres ; elles devaient voir des choses merveilleuses et leur souriaient en rêve.
À mon pas elle tressaillirent toutes deux, eurent des grimaces et des attitudes plaisantes, s’étirèrent de compagnie, puis, quand elles furent réveillées et qu’elles me reconnurent, elles laissèrent voir un léger effroi. Les joues d’Antoinette s’empourprèrent ; Agathe poussa même un cri.
— Ne vous effrayez pas mes chéries, fis-je, je ne veux point vous gronder. J’en veux seulement à Antoinette comme à Agathe de ne pas me montrer plus de confiance…
C’est tout ce que j’eus le courage de leur dire. Alors, de joie et de surprise sans doute, car elles s’attendaient à une semonce, elles partirent d’un éclat de rire. Ce fut délicieux comme un égouttis de source mêlé à des trilles d’oiseau. Cette gaieté fran-