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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


malpropre, jetées pêle-mêle en travers du passage, dans un abandon et un désordre qui en disaient long sur la paresse, l’insouciance et la saleté de la riche affranchie.

Dodue-Fleurie était vautrée parmi des mousselines brodées et des soies étincelantes, sur un petit canapé qu’elle écrasait de son corps large et robuste. Elle semblait jouer à frôler et à froisser ces étoffes fines, veloutées ou rudes ; elle s’amusait de tous ces tissus que l’ingéniosité des hommes avait inventés pour elle et ses pareilles. Elle s’abîmait pour ainsi dire dans sa chair, elle rentrait dans sa bestialité jouisseuse et triomphante.

La chambre où elle était, pareille à un bazar, ne contenait guère que des étoffes déroulées, en pièces ou formant des toilettes pompeuses qui, disposées aux quatre angles, et rigides sur les mannequins, semblaient les autels de cette étrange église. Les lumières, éblouissantes dans le vestibule, étaient ici à demi-voilées. Des tulles couvraient les lampes et laissaient la chambre dans une pénombre où Dodue-Fleurie se laissait deviner plutôt que voir. On distinguait seulement les lèvres épaisses dans la large face, un regard sournois et plein de méchanceté, où semblaient briller mille mauvais désirs ; puis quelque fois, à un mouvement capricieux ou plutôt voulu, comme un animal secret, majestueux et mutin apparaissait à demi, dans le relèvement des jupes et l’encadrement des dentelles : la raie d’ombre, attirante et mystérieuse, les joues énormes, happantes ou serrées, de la Croupe. Une odeur de