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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


ils craignent trop la révolution prochaine. On m’a dit pourtant que les affranchis en prenaient encore quelques-unes. Ils espèrent montrer par là qu’ils feront cause commune avec nous, en cas de révolution et obtenir ainsi que le conseil colonial leur accorde les droits des autres citoyens.

— Alors les affranchis ne sont pas pour la révolution ? demanda Léveillé. On devrait les expulser de la colonie.

— Attendez, dit l’abbé, qu’ils aient acheté mes hypothèques.

— Le sentiment de la fraternité leur fait absolument défaut, continua Léveillé. Ils sont indignes de siéger au conseil colonial.

— Voilà comment vous aimez les noirs ! rit le docteur.

— Les affranchis sont de faux nègres, réplique Léveillé. Ils devaient partager les souffrances de leurs frères en attendant l’affranchissement commun. Au lieu de cela, ils ont voulu devenir des blancs, prendre nos manières, notre esprit ; ils n’ont pris que nos vices. Tenez ! il y a un affranchi qui fait ce joli trafic. Vous savez qu’on récolte de moins en moins de sucre depuis deux ans, c’est un fait. Mon affranchi se procure du sucre inférieur, il le raffine lui-même, il le garde en magasin, et, à l’aide de je ne sais quelle préparation, il lui donne un brillant qui n’ajoute rien à ses qualités, mais qui fait illusion. Au moment de la vente de la récolte, il ouvre ses magasins, en laissant croire que le marché est encombré. Tous les propriétaires sont for-