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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Je m’étais bien promis ce matin de ne rien cacher ; puis Mme de Létang m’a invitée à dîner. J’ai accepté pour m’étourdir, vous le savez : j’étais si malheureuse. Est-ce cette liqueur, ce tafia au muguet qu’elle m’a servi à la fin du repas, qui m’a grisée ? mais, lorsque plus tard, au confessionnal, l’abbé de la Pouyade m’a demandé d’une voix un peu surprise, inquiète même : « Est-ce tout ? » j’ai répondu « oui » sans hésitation. Je crois bien que je n’ai pas menti. Si coupable que je sois, du moins ma confession n’a-t-elle pas été sacrilège ! C’est seulement après avoir quitté M. de la Pouyade que j’ai retrouvé avec terreur mon péché, que je l’ai senti autour de moi qui m’étreignait, qui m’étouffait. Ah ! pourquoi l’abbé n’a-t-il pas insisté, ne m’a-t-il pas pressée de questions ? Je n’aurais pas cette charge horrible sur la conscience !

Il paraît que j’ai crié tout à l’heure, comme une suppliciée ; je me voyais damnée ; dans mon désespoir, j’avais jeté mes papiers, je me roulais sur mon lit et je mordais les draps. J’ai été bien surprise de voir tout à coup la bonne figure un peu pleine et réjouie de M. de Montouroy, cette forte moustache qui ombrage ses lèvres narquoises. Bien qu’il ne soit pas méchant, cet homme me gêne toujours un peu. Gras d’une graisse sans couleur, avec son teint noir, il ressemble à sa mère qui est de Séville : il a, comme elle, une trivialité de gestes, une façon bruyante de rire et de parler qui manquent tout à fait d’élégance. Il venait d’entr’ouvrir les rideaux et d’écarter le moustiquaire. Je me suis retournée et relevée un peu lour-