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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


amie, de ne point parler de cette aventure, qui pourrait me causer les plus grands dommages.

Pourquoi en effet les dénoncer au Conseil ?

C’est assez de perdre une bonne négresse sans encore me priver de deux ouvriers qui sont d’excellents travailleurs.

Mais il était dit que cette journée ne m’apporterait que des ennuis.

Nous allâmes à la sucrerie, et après que Mme de Létang se fut amusée à voir courir les nègres, comme des démons, autour des chaudières noires, bouillonnantes et sifflantes, et des fourneaux embrasés et crépitants, nous fîmes mettre aux fers deux esclaves qui avaient été pris à voler du sucre ; puis nous pénétrâmes dans le magasin, et c’est ici que l’employé se montra d’une suprême maladresse. Mme de Létang est trop absorbée par sa toilette, les fêtes, toutes les frivolités du monde et l’abbé a coutume de placer la vie trop haut, et il se croit trop près du ciel, pour rien comprendre aux usages du commerce. Il était donc inutile de les leur faire connaître. Mais l’employé, sottement, s’est mis à leur décrire la vente. Il est vrai qu’avec une insistance et une curiosité très indiscrète, qu’expliquerait seul le désir de vérifier d’odieuses médisances, Mme de Létang, l’abbé et jusqu’à Agathe le pressaient de questions. Pour compenser les pertes inévitables causées dans la récolte et la fabrication par les négligences, les maladresses ou les vols des noirs, il est admis que dans une vente importante ou lorsqu’on fait affaire avec un négociant