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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


un cœur tel que le mien… Allez, pauvre chère, j’ai bien aimé, mais j’ai eu des déceptions cruelles.

Et elle éclata en sanglots.

— Notre infortune est la même, lui dis-je en l’embrassant, depuis la mort de mon pauvre mari, rien n’a égayé mon existence.

Elle me serra frénétiquement dans ses bras, et ses lèvres vinrent se coller aux miennes ; elle me prenait à pleines mains comme si elle eût voulu s’unir à moi, et qu’elle trouvât dans cette étreinte charnelle une consolation.

J’étais étonnée d’un attendrissement si subit. Je songeai cependant qu’elle pouvait m’être d’un grand secours auprès du gouverneur pour lequel, — ce n’est pas un secret, — elle a les extrêmes complaisances que réclament des vieillards usés et libertins ; j’avoue que moi-même j’étais grisée par le parfum intense qui montait de son jupon soulevé et de son corsage libre ; tout à coup sa main m’a surprise sous les robes, par une curiosité plus qu’indiscrète ; je ne sais si ses yeux, sa bouche souriaient alors de volupté, de raillerie ou de tendresse ; mais il m’a paru convenable de ne pas me choquer de familiarités qui, sans être ordinaires, n’avaient d’abord rien de répréhensible, et d’y répondre sans contrainte : puis j’ai voulu savoir si elle était aussi bien faite que l’assurait Madame de Mauduit ; la nudité mignonne de ses petites chairs, qui sous son tulle, la gaze, et l’ampleur des robes, se tendait, se serrait ou bâillait à mes caresses, a tenté et retenu quelques instants ma main pares-