— Il s’appelle Joseph Figeroux-Larougerie.
— Pour vous, madame, mais les noirs l’appellent Obalukun. Figeroux a pris le nom de son ancien maître, un négociant de Bordeaux. Son père a été domestique en France.
— Vous le connaissez donc bien ?
— Trop, madame… Oui ! Et puisque l’occasion s’en présente, permettez à votre vieux docteur d’être sincère : vous avez, dans cette plantation, des êtres que je tiens à vous signaler comme les plus dangereux, non seulement pour vous, mais pour la colonie.
— Il est bien certain que Mme Gourgueil est trop bonne, dit Mme Du Plantier d’un ton aigre.
— Trop confiante, ajouta Mme de Létang. Cependant je crois volontiers que le docteur exagère.
— Et en quoi donc, madame, je vous le demande ? La plantation des Ingas est éloignée de la ville. Quelle défense auriez-vous contre vos esclaves, s’il leur prenait fantaisie de se révolter ?
— Pourquoi se révolteraient-ils, mon Dieu ! observa l’abbé. Ne sont-ils pas heureux ici ?
— Heureux, dit le docteur en souriant, permettez moi d’en douter : la petite voix que nous entendons encore maintenant, et qui a fait rire Mlle Agathe tout à l’heure, ne chanterait pas sur ce ton-là, si elle éprouvait réellement de la félicité.
— Mais il faut bien battre les noirs de temps à autre, pour leur décrasser la peau ! D’ailleurs, je voudrais savoir qui ne les bat pas à Saint-Domingue !