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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

À ce moment j’entendis comme un écroulement dans l’escalier qui conduisait à l’office. Je sortis vivement. Le couloir était plein d’assiettes et de verres brisés. L’auteur de ce bel exploit devait être Cochonnette, la fille de cuisine : elle avait glissé, selon son habitude, et laissé toute la vaisselle s’échapper de ses mains.

— Vilaine mazette ! m’écriai-je, je vais te frotter le cul d’une pimentade qui t’apprendra bien, à l’avenir, à être solide sur tes jambes !

Et saisissant un balai de lianes, je courus après elle ; mais l’avisée, qui avait sans doute entendu mes menaces, s’était si bien cachée que je ne parvins pas à la découvrir. Alors je songeai à Zinga dont l’absence inexplicable pouvait causer dans le domestique plus d’un désordre, car elle sait se faire craindre et obéir, et je me mis à la chercher dans la maison.

Comme j’errais partout, fort en colère de ne point la rencontrer, un bruit s’éleva de la chambre d’Antoinette. J’y entre aussitôt et ma surprise n’est légère de voir un homme qui enjambe la fenêtre. Je m’approche. Il courait à toutes jambes à travers la plantation. Bientôt il disparut derrière les bananiers du jardin. C’était un blanc, habillé à la mode française, et qui m’a semblé fort bien fait et élégant.

— Pourquoi s’introduire ici ? Dans quelle malhonnête intention ?

Je m’adressais cette demande lorsque, tournant la tête, j’ai aperçu Zinga qui, sur la pointe du pied, tout doucement, essayait de se couler le long du lit