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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


l’averse qui redoublait, et rentra dans la maison en courant.

À quoi bon l’interroger encore, puisque je ne puis avoir foi à ses paroles, malgré toute mon envie de les croire véridiques.

J’ai laissé mes hôtes s’effrayer et se rassurer à la parole du quaker ; j’ai regagné ma chambre, je me suis jetée sur mon lit, et j’ai pleuré. Zinga n’est pas venue cette nuit ; elle savait bien que je l’aurais chassée. Mais Dieu a eu pitié de moi ; il m’a envoyé un rêve de délices : j’ai vu près de moi la chérie ; elle était douce et elle m’aimait.

Seigneur ! je vous en supplie, faites qu’elle ne me quitte pas, qu’elle ne s’éprenne pas d’un homme. — C’est pour son bien ! elle serait si malheureuse !

Je m’étais éveillée avec tant de plaisir ! Ah ! je n’aurais pas prévu la fin horrible de cette journée !

Quand je me levai, le soleil étincelait sur la mer, et une brise fraîche m’apportait les odeurs mielleuses et acides du jardin. C’est à peine si l’orage a laissé des traces autour de la maison tandis qu’à une demi-lieue, la plantation de M. de Mauduit a beaucoup souffert.

Mes angoisses de la veille s’étaient dissipées à la clarté limpide du ciel ; à peine hors du lit, je courus à la chambre d’Antoinette. Je voulais lui dire que je lui pardonnais ou, du moins, lui souffler un excuse

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