C’est le plaisir toujours compagnon du remord,
C’est un homme vivant qu’on lie avec un mort’
Et qui doivent ainsi vivre et pourrir ensemble
Jusques à ce qu’usant le nœud qui les rassemble
Et retournant tous deux à leur propre élément,
L’un rentre dans la vie et l’autre au monument !
Et tu nous vois pourtant pleurer sur quelques heures
Qu’il nous reste à passer en ces tristes demeures,
Tant notre esprit, esclave en son obscurité,
Ressemble au vieux captif qu’on met en liberté.
A force d’habiter l’onde fétide et noire,
Des splendeurs du soleil il n’a plus la mémoire ;
Sa prison exiguë est un monde à ses yeux,
Dont il pouvait toucher l’horizon et les deux ;
Il ne peut concevoir que des mains inhumaines
Le fassent tant souffrir pour dériver ses chaînes ;
Il craint d’abandonner sa couche de sapin ;
Il emporte avec lui le reste de son pain ;
De stupides regrets humectent sa paupière,
Jusques à ce qu’enfin, l’inondant de lumière,
Le ciel à son regard déroule son azur
Et fasse en sa poitrine entrer un air plus pur.
Alors il baise avec d’ineffables délices
La main qui vient de mettre un terme à ses supplices
Sa lèvre est tout éloge et son cœur tout amour
Pour le mortel qui vient de l’enfanter au jour.
Ah ! quand je sonderai, dans l’ombre et le silence,
Des routes de la mort la profondeur immense,
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L’ESPRIT ET LES SENS.