Page:Reboul - Poésies, 1840.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
160
L’ESPRIT ET LES SENS.

C’est le plaisir toujours compagnon du remord,
C’est un homme vivant qu’on lie avec un mort’
Et qui doivent ainsi vivre et pourrir ensemble
Jusques à ce qu’usant le nœud qui les rassemble
Et retournant tous deux à leur propre élément,
L’un rentre dans la vie et l’autre au monument !
Et tu nous vois pourtant pleurer sur quelques heures
Qu’il nous reste à passer en ces tristes demeures,
Tant notre esprit, esclave en son obscurité,
Ressemble au vieux captif qu’on met en liberté.
A force d’habiter l’onde fétide et noire,
Des splendeurs du soleil il n’a plus la mémoire ;
Sa prison exiguë est un monde à ses yeux,
Dont il pouvait toucher l’horizon et les deux ;
Il ne peut concevoir que des mains inhumaines
Le fassent tant souffrir pour dériver ses chaînes ;
Il craint d’abandonner sa couche de sapin ;
Il emporte avec lui le reste de son pain ;
De stupides regrets humectent sa paupière,
Jusques à ce qu’enfin, l’inondant de lumière,
Le ciel à son regard déroule son azur
Et fasse en sa poitrine entrer un air plus pur.
Alors il baise avec d’ineffables délices
La main qui vient de mettre un terme à ses supplices
Sa lèvre est tout éloge et son cœur tout amour
Pour le mortel qui vient de l’enfanter au jour.
Ah ! quand je sonderai, dans l’ombre et le silence,
Des routes de la mort la profondeur immense,