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DE L’ITALIE ET DE L’INDE.

penser de même. Chaque secte est justifiée par sa croyance et ses bonnes intentions. Je n’ai d’autre but, en m’exprimant ainsi, que de montrer qu’on ne peut, sans profanation, comparer la doctrine de notre église avec celle des Hindous, qui n’a avec elle qu’une ressemblance apparente, et qui en diffère beaucoup pour le sens. Il ne faut pas néanmoins passer sous silence un fait singulier : nous savons avec certitude que le nom de Crichna et le canevas général de son histoire sont fort antérieurs à la naissance de Jésus-Christ, et probablement au temps où vécut Homère. Cependant le poème célèbre intitulé Bhagavat, qui renferme une histoire prolixe de sa vie, est plein de récits d’une nature fort extraordinaire, mais étrangement diversifiés et entremêlés d’ornemens poétiques. Le dieu incarné du roman sanskrit eut, à ce qu’il nous apprend, son berceau parmi des bergers ; mais il ajoute qu’il fut élevé au milieu d’eux, et qu’il passa sa jeunesse à folâtrer avec une troupe de laitières. À l’époque de sa naissance, un tyran ordonna de mettre à mort tous les enfans nouveau-nés ; mais cet enfant merveilleux échappa, en mordant, au lieu de téter, le sein empoisonné d’une nourrice chargée de le faire périr. Il fit des miracles surprenans, mais ridicules, dans son enfance ; et à l’âge de sept ans, il tint une montagne sur le bout de son petit doigt. Il sauva des multitudes d’hommes, en partie par la force de ses armes, en partie par sa puissance miraculeuse. Il ressuscita les morts, en descendant, à cette intention, dans les régions les plus profondes. Il fut le plus doux des êtres, celui qui avoit le meilleur caractère : il lavoit les pieds des Brahmanes, et prêchoit d’une manière noble et très-sublime, mais toujours en leur faveur. Il étoit, au fond, pur et chaste ; mais il affectoit un libertinage excessif, et il avoit une multitude innombrable de femmes et de maîtresses. Enfin, il étoit bienfaisant et sensible ; néanmoins il fomenta et dirigea une guerre terrible. Cette histoire bigarrée donne lieu de soupçonner que les évangiles apocryphes, qui abondoient dans le premier siècle du christianisme, avoient été portés dans l’Inde(169), et que leurs parties les plus bizarres avoient été