Page:Reclus - À mon frère le paysan.djvu/11

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ils se mêleront de raisonner et de vouloir.

C’est ainsi que dans les solitudes du Grand-Ouest Américain, des compagnies de spéculateurs, en fort bons termes avec le gouvernement, comme le sont tous les riches ou ceux qui ont l’espoir de le devenir, se sont fait concéder des domaines immenses dans les régions fertiles et en font à coups d’hommes et de capitaux des usines à céréales. Tel champ de culture a la superficie d’une province. Ce vaste espace est confié à une sorte de général, instruit, expérimenté, bon agriculteur et bon commerçant, habile dans l’art d’évaluer à sa juste valeur la force de rendement des terrains et des muscles. Notre homme s’installe dans une maison commode au centre de sa terre. Il a dans ses hangars cent charrues, cent machines à semer, cent moissonneuses, vingt batteuses ; une cinquantaine de wagons traînés par des locomotives vont et viennent incessamment sur des lignes de rails entre les gares du champ et le port le plus voisin dont les embarcadères et les navires lui appartiennent aussi. Un réseau de téléphones va de la maison palatiale à toutes les constructions du domaine ; la voix du maître est entendue de partout ; il a l’oreille à tous les bruits, le regard à tous les actes ; rien ne se fait sans ses ordres et loin