Page:Reclus - Étude sur les fleuves, 1859.djvu/29

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inondations semblerait au premier abord devoir être bien terrible, puisqu’alors elle est trente-deux fois plus considérable qu’au plus bas étiage ; mais que serait l’Égypte de Thèbes aux cent portes, de Memphis et du Caire, sans les inondations qui, mêlant leur terre fine aux sables transportés par le vent, forment de ce mélange un sol nourricier d’une incomparable fertilité ? Grâce à l’eau du Nil, cette artère de l’Égypte, le sol se renouvelle périodiquement ; que l’artère cesse de couler, le corps cessera de vivre.

Le fleuve ne se contente pas de rajeunir le terrain en lui apportant ses alluvions pendant les grandes eaux, il remanie le sol tout entier de la vallée, en creusant son lit tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Il est certain que tout cours d’eau, par la force même de la pesanteur, cherche à atteindre l’Océan par la pente la plus rapide, et si aucune circonstance extérieure ne faisait dévier les fleuves, ils se creuseraient un canal en ligne droite, afin d’obtenir leur maximum de pente ; mais il suffit d’un obstacle placé dans le centre du courant ou d’une impulsion latérale quelconque imprimée à la masse liquide pour rejeter le fleuve à droite ou à gauche. La première déviation une fois obtenue et la première anse formée, le fleuve doit nécessairement former une suite de méandres, par la loi de réciprocité des anses qui n’est autre chose que la loi du pendule. Chaque oscillation provoque une oscillation égale et isochrone en sens inverse ; chaque méandre provoque un autre méandre d’un égal rayon et d’une vitesse isochrone de courant. Si l’économie d’un fleuve ne changeait par la différente composition des terrains et par l’immense