aînée[1] avaient déjà quitté le Béarn et ne devaient plus revenir à Orthez qu’après une longue absence. Le père, désireux d’assurer à ses enfants une éducation où les études classiques fussent jalousement conduites et surveillées par l’esprit chrétien, avait résolu de confier les siens à la direction des « Frères Moraves », dont il lisait les brochures et qu’il aimait surtout parce que le comte de Zinzendorf, le zélé propagandiste herrnhutien du xviiie siècle, lui semblait avoir le mieux suivi les traces de Jésus-Christ. Peut-être le pasteur du Béarn, au christianisme naïf, s’était-il quelque peu trompé sur le zèle dévorant de ces bons « Frères Moraves » qui, pour la plupart, sont de dociles sujets, la vie réglée d’avance par une écœurante ritournelle de pratiques enfantines et de mensonges conventionnels ; il ne savait pas non plus que le directeur des deux établissements, de filles et de garçons était un bonhomme lâche, heureux d’aduler bassement ceux de ses élèves qu’il savait riches, et de bafouer avec le ricanement du pleutre ceux qu’il savait pauvres.
Le cher père ignorait ces choses, mais ce fut pour ses fils un événement des plus heureux d’avoir été mis dans le collège des Moraves, car là se trouvaient les meilleurs éléments pour forger leur caractère. »
Élisée n’y arriva qu’à l’âge de douze ans. Son père, ne pouvant l’accompagner comme il l’avait fait pour les aînés, l’envoya seul à la grâce de Dieu, et le petiot fit ainsi son premier voyage, ne connaissant naturelle-
- ↑ Susi