Très observateur et vibrant d’instinct à tout ce qui frappait son imagination, ce fut en Allemagne sans doute qu’Élisée prit conscience de la nature, initié par son grand frère, rêveur mélancolique, dont l’enthousiasme était plutôt le reflet de ses lectures continuelles. Élie adorait la lune et aurait pris en pitié quiconque eût devant lui d’abord célébré le soleil, tandis qu’Élisée, subissant l’entraînement de ses impressions personnelles, s’annonçait comme un fervent du Ciel et de la Terre, de toute manifestation de beauté parlant à son cœur et à ses sens. Lorsque, revenant en France, il traversa la Belgique, il eut, en quelque merveilleux paysage ou jardin, une inoubliable vision de fleurs, qui lui donna pour la première fois, se rappelait-il, l’impression consciente de leur intense et vivante séduction.
« La vallée du Rhin n’était pas alors ce qu’elle est devenue de nos jours : une longue rue d’usines fumantes et nauséabondes, où les amas de charbon, les produits industriels et les trains de marchandises sont interrompus seulement par les fortifications des camps retranchés, des statues de Guillaume ier et des ruines en carton-pierre. Encore « fleuve héroïque », par la liberté de son cours plus que par les souvenirs de son histoire, car ce fut aussi une « rue des prêtres », le Rhin tour à tour enserré, bouillonnant et brusque entre ses dalles d’ardoises, et largement épanoui, tranquille et puissant entre ses rives basses d’alluvions, le Rhin était vraiment un être à part : non moins vivant que les Gaves pyrénéens, il paraissait moins effrayant peut-être, mais il semblait avoir la majesté d’un Dieu ;