En somme, il était sur le point de se faire une position à Berlin, et il y serait retourné l’année suivante si les événements ultérieurs ne l’en avaient empêché.
Aux vacances de 1851, Élie ayant achevé ses études à Strasbourg convia Élisée à l’accompagner chez leurs parents à Orthez.
« N’ayant ensemble qu’un peu plus d’une trentaine de francs, ils décidèrent de rentrer dans leur famille par un voyage pédestre, tracé obliquement à travers la France. C’était au commencement de septembre. Évidemment ils ne pouvaient accomplir ce voyage qu’à la façon des chemineaux, se contentant de pain et couchant à la belle étoile ou dans quelque hutte abandonnée. Des milliers de citoyens français ne se déplacent pas autrement, de Nice à Brest et de Bayonne à Dunkerque ; mais ce qui rendait la position des deux frères plus gênante, c’est qu’ils avaient tout de même l’air de « messieurs » et qu’en cette période d’agitations politiques, ils étaient véhémentement soupçonnés par les gendarmes d’être de faux vagabonds ; à chaque rencontre de Pandore, il fallait déployer ses papiers universitaires, que le personnage officiel lisait avec soupçon mais qui pourtant l’empêchaient de sévir.
En outre, un troisième voyageur, d’éducation aristocratique, celui-là, un bel épagneul répondant au nom de Lisio, retardait notre marche en se plantant obstinément devant toutes les auberges de bonne apparence : plus d’une fois, il fallut nous arrêter pour lui faire tremper la soupe. Mais, loin des gendarmes et des aubergistes, quelles promenades délicieuses à la fraîcheur