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FRANCE.

dans la Haute-Garonne, au grand glacier des Gours Blancs, père d’un torrent — on ne dit plus ici gave — qui traverse, à 2 165 mètres d’altitude, le bleu lac de Caillaouas et court à la Neste de Louron : des pointes de granit où la neige n’a point de prise regardent soucieusement ce glacier, lambeau du Pôle touchant à l’Espagne, terre brûlée, parfois saharienne, qui mène à la dévorante Afrique ; la plus élevée est le pic des Gours Blancs ou des Hermittans (3 202 mètres). Les Hermittans, le pic du port d’Oo (3 114 mètres), le Ceil de la Vache (3 060 mètres), éclatant de blancheur, le Quayrat (3 059 mètres), le pic de Crabioules (3 149 mètres), le Tuc de Maupas (3 110 mètres), ces monts luchonais qui font en partie la Garonne, ont la taille des monts de Gavarnie qui font en partie le Gave béarnais ; c’est ici que sont les plus hautes entailles de nos Pyrénées, le port d’Oo (3 002 mètres) et le col du Portillon (3 044 mètres) ; c’est ici que pèsent, des Gours Blancs aux Graouès, 14 kilomètres de glaciers, semblables aux 16 kilomètres qui, dans la région des Cirques, vont du Taillon au Mont-Perdu : Gours Blancs, champs de Crabioules, glaces de Maupas, Graouès ou Graviers, ils suspendent un faix immense d’eau cristallisée au-dessus des eaux libres, folles, exubérantes qui s’appellent Neste de Louron, Neste d’Oo, Lys et Pique. Ces fleuves figés sont un faible reste de l’antique mer de glace qui couvrit toute la vallée de la Neste d’Oo, devenue dans la suite un escalier de lacs unis par des cascades. La moraine de Garin marque l’endroit où elle s’arrêtait devant l’obstacle des monts que fend à l’ouest et non loin de là le col de Peyresourde, sur la route de Bagnères à Luchon par Arreau ; levée colossale, cette moraine de 4 000 mètres de long, de 1 500 de large, a 240 mètres d’élévation : tel entre Montmartre et le Panthéon un mur quatre fois plus haut que les tours de Notre-Dame et mille fois plus épais que les parois de nos monuments.

Nul soleil n’amollit ici tout à fait les lacs qui, de par