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GÉOGRAPHIE.

peu plus, un peu moins ; la chaîne de Tabe ou de Saint-Barthélemy, usée par l’Ariège en aval de Tarascon ; le Plantaurel ou Petites-Pyrénées, que l’Hers coupe aux bains de Fontcirgue, l’Ariège au-dessous de Foix, l’Arize au Mas-d’Azil par une caverne sublime. Ces Pyrénées-là, la plupart composées de craies, sont d’ailleurs faciles à limer, à vider ; elles sont pleines de grottes immenses, allant jusqu’à franchir les monts d’outre en outre, parfois avec un torrent qui les accompagne. On vante surtout, dans le pays de Tarascon et d’Ussat, celle de Bédeillac dont la voussure domine le sol de 70 à 80 mètres ; celle de Niaux où deux lacs dorment ; celle de Lombrive dont les couloirs ont 4 000 mètres de longueur, et qui s’unit probablement à travers montagne à la caverne de Niaux.

Certes, l’antre de Bédeillac n’est point le tombeau de Roland, comme le dit la légende ; mais la plupart de ces cavernes, sinon toutes, sont remplies d’ossements. On y lit obscurément quelques feuillets de l’histoire des climats, des bêtes et des hommes ; on y trouve les restes d’animaux qui depuis longtemps ne vivent plus chez nous, animaux dont plusieurs étaient autrement terribles que le loup ou l’ours débonnaire qu’on peut encore rencontrer par grand hasard dans les monts ariégeois. Et à ces os de bêtes sont mêlés des os de l’homme préhistorique, sans parler de ce qu’ont laissé de débris les persécutés, les proscrits, les fugitifs, les criminels : en un mot les malheureux et les hors la loi qui vinrent de tout temps demander asile à ces cavernes où vivent des êtres sans yeux qu’on n’ose pas dire aveugles tant ils marchent délibérément dans leur obscurité ; sans doute l’odorat ou le toucher, ou peut-être un sens inconnu, les dirigent. Si solides que soient les parois, les piliers, les voûtes de ces prisons ténébreuses, le jour venu, cette architecture s’effondre soudain par telle ou telle crypte, ou bien les roches descendent peu à peu avec le sol qu’elles portent. Il arrive alors que des sommets cachés