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GÉOGRAPHIE.

ou ronde, a remplacé la fumée rouge, les gaz sifflants, la pierre liquide et bouillonnante qui montait et descendait comme le pouls du volcan : tel est l’admirable Pavin. Mais en dehors du Bourget, de l’Annecy, et de notre part du Léman, les grands lacs sont à d’autres qu’à nous.

De même en fait de cascades. Les bonds de torrents ne sont pas en France moins terribles qu’ailleurs : témoin le grand nom de Gavarnie. Mais nous avons peu de larges rivières passant, par un déchirement subit, d’une plaine, jadis lac, à une plaine plus basse, jadis aussi lac ou fond d’estuaire. À peine si nous pouvons montrer aux étrangers deux modestes « Niagaras », le saut du Tarn et le saut du Doubs, et, parmi les élancements de rivières moindres, mais rivières encore, ceux de la Vézère, de la Maulde, de la Rue, de l’Argens, de la Cèze.

C’est que le temps a usé la vieille Gaule : il a comblé les lacs, devenus les jardins de la France ; il a scié les barrages de pierre qui suspendaient ces lacs. De l’escalier des anciens torrents, composé de degrés inclinés ou à pic séparés par des plain-pieds lacustres, il a fait les vallées à pente molle que descendent paisiblement nos rubans d’eau.

Les rivières n’en sont pas moins une des beautés de notre pays. Grâce à l’abondance, à l’heureuse distribution des pluies, grâce surtout à la perméabilité des craies, des calcaires qui font une partie de la France, on ne compte pas chez nous les « Vaucluses » qui sont l’orgueil de leur cirque de rochers ou de leurs vallons de prairies. Doux ou douix, gours, trous, abîmes, creux, puits, fonts, foux, dormants, bouillants ou bouillidous, sous quelque nom qu’ils montent vers la lumière, ces beaux jaillissements s’épanchent aussitôt en ruisseaux, quelquefois en rivières qui passent avec leur fraîcheur, leur clarté, leurs joyeux chants d’écluse devant les villages qui n’en troublent point le cristal, puis devant les cités qui les divisent et les corrompent.